Dans cet article je livre une partie intime de moi, ma famille ou plutôt mes parents. Pourquoi cela me tiens à coeur de partager un bout de mon histoire avec vous ? Tout simplement pour réitérer le besoin de faire la paix avec votre famille avant que ce soit trop tard et surtout de vivre la vie pleinement aujourd'hui.
J'étais à la fois excitée et en appréhension à l'idée de recevoir mes parents chez moi en France pendant presque 2 semaines. À l'heure où j'écris ils ont fait un peu plus de la moitié du séjour et quel séjour !
À 81 et 85 ans maman et papa ont déjà vécu des belles choses dans leur vie. Toujours très actifs en tant que commerçants, la retraite n'a été qu'une prolongation de leur vie bien remplie. Mais il y a quelques années maman a été diagnostiquée avec la maladie de Parkinson et elle était soulagée à l'idée d'avoir enfin un nom sur ses souffrances. Les tremblements, la difficulté à marcher, les trous de mémoires, la fatigue extrême, la déprime et la tristesse, tout avait un sens, une raison d'être dans cet état.
Papa, une personne encore vif d'esprit, lucide et curieux de tout, malgré ses soucis cardiaques, est usé par la tâche d'auxiliaire de vie 24/7 pour maman. Têtu, il était hors question de ne plus pouvoir se débrouiller et demander de l'aide, faire venir un inconnu pour s'occuper de sa femme n'était pas une option pour lui.
Il me semble que beaucoup de personnes, arrivées à un certain âge, sont dans le même dilemme, quelque soit leur pays d'origine, surtout aujourd'hui avec les familles éclatées aux quatre coins du monde. Mes parents sont en Grande-Bretagne, je suis en France, mon frère est à cinq heures de chez mes parents, autant dire, pas à côté pour aider avec des tâches quotidiennes.
J'avais une idée que la santé de maman se dégradait, perte de mémoire et dépression ainsi que diminution physique mais j'étais loin d'imaginer son état. En tant que personne pratiquant la Positive Attitude, j'ai décidé de profiter au maximum de leur présence étant certaine que ce serait leur dernier déplacement aussi loin de chez eux. Pour le coup je pense avoir vu juste, rien que leur retour en Angleterre me semble déjà compromis à l'heure où j'écris.
En Angleterre, chez eux, maman était tombée au moins 3 fois sans avoir vu un médecin car papa appelait son voisin de 90 ans pour venir l'aider à la lever. Quelle imprudence, mais il me dit "elle ne s'était pas cognée la tête et ne se plaignait de rien donc il n'était pas nécessaire d'appeler quelqu'un". Lorsqu'on a passé toute une vie avec quelqu'un on a vraiment du mal à admettre qu'on ne peut plus se débrouiller.
Jamais je n'ai connu un homme autant rempli d'amour et dévotion pour sa femme que papa. Le sens du devoir (existe-t-il aujourd'hui, chez les personnes de ma génération ?), la fierté d'indépendance, la détermination malgré une santé de plus en plus fragile. Et maman dans tout cela ? Peu de reconnaissance, centrée autour d'elle et ses souffrances, j'avais du mal à accepter son manque de tolérance parfois et sa dureté.
Marcher avec une canne est une acceptation d'un état diminué, accepter que son corps fonctionne au ralenti et qu'on a besoin de supports matériels pour mettre un pas devant l'autre. Lorsque son partenaire donne l'habitude de venir à chaque appel, au chevet, au fauteuil, à table, pourquoi rester indépendant et prendre une canne, un bras est bien plus solide.
Des gémissements qui attirent l'attention, attristent puis agacent, le refus de se lever, tellement plus facile de rester couché et se laisser s'éteindre. Tel est le sort d'une personne qui n'a plus trop sa tête, ne veut pas écouter, se laisser consoler, se laisser conseiller, n'en fait qu'à sa tête (en partie absente).
Vous me trouvez dure, papa n'aime pas voir les larmes qui coulent facilement mais se plier en quatre sans que la personne soit soulagée n'est pas une solution. S'user pour l'autre et s'abimer la santé sans reconnaissance aucune car je suis, je suis, il n'existe que moi dans mon monde de plus en plus rétréci par la maladie.
Appeler un médecin pour rassurer le malade que la douleur est musculaire et ne peut être réellement soulagée (on lit sur le visage du médecin la compréhension d'une pathologie qui "joue" avec la tête).
" Piquez-moi, achevez-moi, ne me pleurez pas, pas de fleurs, ne me regrettez pas, laissez-moi partir j'ai trop mal, je veux rentrer chez moi, laissez-moi... ". On entend souvent parler de violences envers les personnes âgées et malades, dans les maisons de repos/retraite/Ehpad. Sans parler de violences physiques, on est vite emporté par une colère, un agacement et certainement une frustration de ne pouvoir soulager et ramener la personne qu'elle était avant.
Si je pouvais me visualiser dans 20 ou 30 ans, bien entendu je ne souhaiterais pour rien au monde me voir dans cet état. Ne pouvoir coordonner mes mains à l'heure du repas, ni tenir les aliments sur ma fourchette, ne plus se lever seule de ma chaise ou lit, me rappeler de façon disséquée ma vie, aucun ordre précis, des bribes, d'hier, du siècle dernier, quelle importance, tout est brouillé dans ma tête...
On ne s'improvise pas auxiliaire de vie, quel métier de patience et d'amour inconditionnel, une vocation que je n'aurai jamais le courage d'effectuer. La tâche est nettement plus difficile lorsqu'il s'agit d'un proche, on remémore la vie de famille d'avant, on se met à sa place, la peur doit être vite chassé pour ne pas sombrer...
Ma conclusion est simple et au risque de me répéter, vivez l'instant présent bon sang, on n'a qu'une vie, c'est ici et maintenant ! Ni hier ni demain ne peuvent dicter ce que vous vivez à l'instant que vous lisez ces paroles. Votre santé dépend de votre rage de vivre et de bien vivre surtout, soyez heureux et joyeux et la vie vous récompensera par une bonne santé. Douceur, amour, compassion, amour de soi sont les mots-clés d'une existence belle jusqu'à la fin, même si pour moi la fin n'existe pas, il s'agit d'une autre vie ailleurs par la suite.
Vous qui lisez cet article, je vous souhaite une belle vie, qu'elle soit douce et comme vous le desirez, cela ne dépend que de vous.
Alison Bell
06 26 75 73 76
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